Voici l'article que j'avais écrit en 1997 pour la revue annuelle du CAF angoumoisin, encore sous le choc de ma première expédition éclair dans la région.

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Ami cafiste, je voudrais te raconter l'histoire d'un rêve... un rêve qui s'est réalisé cet été lors d'une expédition au coeur de la Cordillère Blanche du Pérou. Tout commence par un heureux concours de circonstances ; un service militaire au Chili (vive la coopé !), un club d'andinisme santiaguinin très actif, des socios super sympas et un projet enthousiasmant dont j'entends parler peu après mon arrivée, au mois de mai dernier : la paroi sud-ouest de l'Alpamayo...

L'Alpamayo ; "este nombre me suena..." , ne serait-ce pas ce sommet fabuleux, cette pyramide de neige et de glace dont on dit qu'elle est une des montagnes les plus belles au monde  ? Bingo ! Que pouvais-je rêver de mieux pour ma première expédition dans les Andes  ? Des images trottent aussitôt dans ma tête, la consultation de topos anciens et bien imprécis (ce bon vieux Valot n'a pas sévi dans las Andes !) entretient le halo d'inconnu et de merveilleux que revêt pour moi cette montagne : si haut, si loin des Alpes et de ses sentiers battus...

Samedi 28 juin, çà y est ; nous voilà dans l'avion. Les 400 kilos de nourriture et de matériel nous accompagnent dans la soute : une expédition grandeur nature ! A l'aéroport de Lima, nous retrouvons mon ami gringo Andrew avec qui je ferai cordée : huit Chiliens, un Nord-américain et un franchute ; la petite équipe est au complet.

450 kilomètres de routes et de chemins cahoteux dont plusieurs dépassent les 4000 mètres d'altitude (et oui, on est en Amérique de Sud !) nous conduisent à la ville de Huaraz, au pied de cette fameuse Cordillère Blanche, un peu le Chamonix du coin, avec le Huascarán (6768 m) à la place du Mont-Blanc... Les derniers préparatifs bouclés et nous fonçons vers l'entrée de la quebrada de Santa-Cruz où nous attendent Don Pedro, son fils Julio et leurs dix ânes joliment bâtés (vous ne pensiez quand même pas que l'on allait se trimballer les 400 kilos sur le dos !).

Lundi 30 juin, 9 heures du matin, la caravane s'ébranle lentement... j'ai encore du mal à y croire ; je suis en route vers l'Alpamayo ! Tout s'est précipité si vite... La vallée, d'abord bien encaissée, dévoile ses charmes au fil de nos pas. Déjà les premiers sommets enneigés apparaissent en toile de fond. Quel contraste avec les Andes du nord du Chili ! Ici, les cerros pelés aux formes volcaniques laissent la place aux nevados effilés et étincellants ; un vrai concours d'élégance au royaume de la randonnée. Car, au même titre que nos chères montagnes nationales, la Cordillère Blanche réjouit autant la randonneur que l'andiniste et possède un réseau de sentiers bien développé. Un superbe trekking de deux jours nous conduit au camp de base, caché au coeur d'une véritable forêt, à 4500 mètres d'altitude. Les choses sérieuses commencent ; les ânes entament déjà la descente et les sacs pèsent bien lourds sur nos épaules le long de la moraine...

Les trois jours qui suivent me laissent un souvenir flou tant ils furent riches en émotions : splendeur des paysages, magie des lumières et de l'altitude, fatigue, appréhension, camaraderie, rires, échec, froid, chaleur, découvertes... tant de choses à partager et qu'il est si gratifiant d'aller chercher là-haut ! Une image intense s'impose cependant au milieu de cette foule : celle de notre arrivée au camp d'altitude avec Andrew, après une journée harassante à remonter le glacier, où nous admirons, dans un état second et bouche-bée, la face sud-ouest de notre montagne s'enflammer avec les derniers rayons du soleil... ¡ Salvaje !

Nous n'avons pas atteint le sommet : 70 mètres nous en ont séparé... 70 mètres, quelle ironie ! Tant de distances parcourues, tant d'efforts pour s'arrêter si près du but... Un bivouac sous la neige au beau milieu de la moraine d'accès au glacier, deux nuits à 5400 mètres d'altitude sans acclimatation préalable, un timing trop serré (une semaine fut trop juste pour aborder la voie dans des conditions optimales) et surtout un manque d'expérience certain m'ont privé de la joie de fouler les 5947 mètres de l'arête sommitale. Mais qu'importe ; j'ai tant appris de ces quelques jours, tant admiré aussi, que la notion d'échec perd ici tout son sens : la gâteau était succulent et tant pis pour la cerise ; je la mangerai l'an prochain !

Fiche technique :

Alpamayo (5947 m), face SO - voie Ferrari, 350 m, neige et glace, 50 à 70º, descente en rappel dans la voie (pieux à neige et lunules de glace...)

 

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